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Rapport sinthetique sur les arts

Iolanda Pensa

Le texte suivant est un resumé du rapport complet qui est disponible sur ce site en italien.

Tous font des projets interculturels. Aussi bien ceux qui travaillent dans le domaine de l’art que dans celui du social, ceux qui s’occupent de coopération ou qui organisent une exposition, ceux qui produisent une installation ou qui organisent un atelier pour des étudiants.

A première vue, il semble qu’il y ait eu ces dernières années une augmentation surprenante des actions interculturelles, mais en réalité il s’agit plus de paroles que d’actions concrètes. L’interculture est un mot clé: il fait allusion à un monde meilleur, à des problèmes résolus, au dialogue, à la tolérance, à la lutte contre la criminalité, le racisme et les incompréhensions. C’est le terme employé pour les politiques sociales, culturelles et- par conséquent- par ceux qui les financent. Ces dernières années la rhétorique de l’interculturalité a fait tâche d’huile, elle caractérise plus le langage qui raconte ou vend les projets produits dans le domaine des arts que ces projets eux-mêmes.

Interculture Map veut monter de quelle manière le domaine artistique a produit des actions interculturelles et comment ces méthodologies peuvent être appliquées à d’autres secteurs. Très bien, sauf qu’il y a trois problèmes.

Le premier est que le rôle de l’art n’est pas de créer, produire et distribuer des projets interculturels, mais des œuvres d’art. En observant et en interprétant la production artistique du point de vue interculturel, une composante devient centrale bien qu’elle ne naît pas nécessairement pour l’être et des sélections s’opèrent non en fonction de la qualité des travaux mais en fonction de leur capacité à exprimer cette composante même (un phénomène extrêmement répandu dans le domaine des études anthropologiques et sociales). Par ailleurs, analyser exclusivement les travaux qui dans le domaine de l’art naissent avec des finalités interculturelles explicites nous amènerait à restreindre énormément notre point de vue en laissant de côté des œuvres et des projets, qui bien qu’ils ne soient pas explicitement ou nécessairement interculturels sont capables d’apporter une lumière différente sur la question.

Le deuxième problème est que dans le monde de l’art- plus encore que dans d’autres domaines- tout peut rentrer dans un discours interculturel. L'échange et le dialogue sont des idées profondément ancrées dans l'idée même d'expression et le monde de l'art est peuplé d'acteurs d'origines et de provenances extrêmement différentes qui travaillent et consomment ensemble. La question se transforme si nous cherchons une interculture qui résolve les problèmes. L'art ne doit pas résoudre les problèmes: il les observe, les exprime, les interprète, il les retourne, il joue avec, mais ce n'est pas (et cela ne doit pas l'être) son devoir de les résoudre. Nous avons une paroi vide au dessus de la cheminée et nous aimerions une image avec des chevaux qui la remplisse; nous avons une coupole d'église qui a besoin d'un peu de couleurs et nous cherchons quelqu'un qui puisse y peindre des fresques; nous avons un quartier avec un taux de criminalité extrêmement élevé et nous voudrions quelqu'un qui puisse faire un travail d'animation avec les jeunes pour les sortir de la rue. Ce sont nos problèmes, pas ceux des artistes; s'ils le deviennent, ce que nous obtiendrons sera seulement un peu de décoration. L'art décoratif-avec tous ses langages et niveaux- existe et est une des formes de l’art: il tient à nous de savoir si c'est celle que nous voulons raconter (voir le problème numéro un).

Enfin, le troisième problème est que dans le domaine culturel parler d'immigrés est pervers et fallacieux. Nous sommes tous des immigrés, que cela nous plaise ou non, et le secteur de la production artistique- à la différence du secteur social- n'est pas obligée de créer des catégories et d'affronter des problèmes (voir deuxième point).  Reporter la question interculturelle dans le champ de l’art comme une relation entre immigrés et non immigrés tend à emphatiser et à structurer une tension plutôt que de focaliser l’attention sur l’expression et la variété indépendamment du pedigree des participants.

L’art- entendu d’une manière générale comme expression créative- fait partie de la méthodologie pour l’apprentissage interculturel et l’éducation aux droits de l’homme: ateliers de peinture avec les mains organisés par des artistes tchécoslovaques, laboratoires de théâtre avec des immigrés clandestins, jam session de tam-tam avec des musiciens sénégalais, ballets en costumes du monde entier dirigés par les religieuses de Santa Chiara… Mais l’art, entendu essentiellement comme instrument de team builduig, existe aussi dans des formes un peu plus structurées que celle d'un groupe de vingt enfants qui dansent en cercle  avec des visages peints et des jupes en paille.    
Echanges internationaux, coopération interculturelle (par exemple Rain Artist Initiative de la Rijksacademy), projet d’art relationnel (Artplaces), œuvres interdisciplinaires et multidisciplinaires, workshop, partenariats, réseaux  (Artfactories, Triangles Arts Trust et Love Difference), conférences, rencontres, visites d’étude et séminaires sont des types d’activités que nous présentons dans notre recherche et qui effectivement ne sont pas très loin de l’idée d’actions qui produisent et développent un sens de la collaboration et de la confiance entre les membres d’un groupe plus ou moins élargi (précisément la définition de team builduig).
Ce qui caractérise l’art d’un point de vue interculturel c’est sa capacité de représentation et d’évocation.

Des artistes d’origines et de provenances diverses sentent le besoin de se raconter et de raconter le monde, de s’exprimer sur des questions politiques et sociales et d’intervenir. Les œuvres permettent de saisir et de toucher des angoisses et des désirs communs à toute l’humanité: le sens de l’appartenance et de l’exclusion, se sentir autres, la conscience de vivre dans un monde inintelligible. L’autoreprésentation et le thème de l’identité sont fortement présents (Contemporary African Database), tout comme les projets qui s’adressent à une communauté spécifique ou a un territoire (voir les recherches, Milano cronache da abitare et les cartes Wide City e Wider City, East Art Map) qui-pour la nature même du présent-est peuplé par  une faune chatoyante et diversifiée.
Mais ce n’est pas tout. Même les directeurs et les producteurs d’origines et de provenances diverses ressentent le besoin de se raconter et de raconter le monde, de s’exprimer sur des questions politiques et sociales et d’intervenir. Les œuvres des artistes deviennent part d’un métadiscours capable d’interpréter et d’ajouter des significations et elles deviennent aussi une force publicitaire. Les réceptacles de l’art (expositions, biennales, (cf Biennale di Venezia, Biennale di Dakar), festivals (cf. Ars Electronica), institutions, musées, centres interculturels, concerts…) sont de nouvelles œuvres produites par des directeurs-artistes (ou artistes-directeurs) qui utilisent comme ingrédients pour leur langage d’autres œuvres.
Et ce n’est pas fini. Je ne répéterai pas toute la phrase, mais les gouvernements et les institutions de financement d’origines et de provenances diverses ressentent le besoin que quelqu’un leur raconte et nous raconte le monde. Et peut-être même, puisqu’on y est, quelqu’un qui puisse résoudre un ou deux problèmes. L’art devient un instrument, parfois promu par tellement d’avis de concours si détaillés qu’ils génèrent des actions ad hoc (en pratique, un outsourcing de projets esquissés et élaborés par les organismes qui les financent), parfois, au contraire promu avec une attitude plus libre qui permette aux œuvres de changer de perspective sur la question interculturelle et d’expérimenter confusions et relectures capables de produire autre chose.

La distinction entre les différents acteurs qui travaillent dans le secteur de l’art est si nébuleuse: tous font un peu de tout. Il ne s’agit pas d’un système structuré en éléments (artistes, directeurs, musiciens, producteurs, galeristes, collectionneurs, commettants, opérateurs culturels, financiers…), mais d’un contexte fluide dans lequel chacun peut recouvrir simultanément ou successivement plusieurs rôles. Ceci est visible non seulement dans l’organisation professionnelle du secteur, mais aussi dans la nature même des œuvres aujourd’hui produites et présentées. Loin d’être un phénomène nouveau, les réponses et les contenus se cherchent dans des domaines différents en favorisant échanges et interactions entre différents secteurs disciplinaires (arts visuels- les projets d’archive AAVAA, InIVA - architecture, performance, design, son, écriture, - Third Text et Revue Noir), anthropologie, sociologie, interculture, ingénierie, informatique, coopération…), en créant des œuvres collectives, en faisant s’élever aux langages supérieurs des modèles qui n’étaient pas nécessairement nés pour être des œuvres d’art. Le concept d’artiste et son rôle apparaissent flous et prêts à changer en fonction de ses exigences mêmes ou de celles du directeur. La portée des problèmes que cela pose aux organismes de formation est prévisible.

Le rayon d’action des artistes s’amplifie donc démesurément en incluant des œuvres extrêmement différentes aussi bien par leurs techniques que par leurs langages. Mais pas seulement, l’œuvre s’étend jusqu’à inclure et devenir un projet. L’être projet est la caractéristique qui exprime le mieux la production contemporaine: le travail des artistes s’exprime et se manifeste à l’intérieur d’un vaste ensemble d’actions qui sommées les unes aux autres deviennent une œuvre. La définition élargie de l’artiste et celle de l’œuvre comme projet permet d’inclure dans le domaine de la production d’art tous les éléments qui traditionellement étaient classés à part: institutions, expositions, pavillons, collections …

La question interculturelle est donc une caractéristique qui imprègne tout le système de l’art et on ne peut l’étudier à partir de la relation acteur-action. Ce qu’au contraire on peut relever ce sont deux tendances que l’on peut résumer par la volonté de représentation et de participation.

Comme nous le disions, aussi bien les artistes que les directeurs (et tous les organismes qui les subventionnent) ressentent le besoin de se raconter et de raconter le monde, de s’exprimer sur des questions politiques et sociales et d’intervenir. Ce besoin est relié aux héritages du passé et au débat plus large sur la culture, l’interculture, la transculture, la multiculturalité. Un besoin croissant de savoir et de nouvelles connaissances incite à l’exploration du monde, lointain ou proche; de nouvelles organisations naissent et les anciennes se transforment; on travaille sur l’histoire: en la réécrivant, en emphatisant le rôle d’autres protagonistes et en cherchant toujours plus de manières de raconter le passé. Et on compte les exclus.

Une vaste réflexion sur les autres porte à des politiques d’insertion à l’intérieur d’événements et à une plus grande attention envers le public visé. Les manifestations contrôlent les pourcentages représentés et mettent tout en œuvre pour le rainbow show. Les nations observent les races et les communautés présentes sur leurs territoires et définissent des priorités: plus d’échanges avec tel pays, plus d’expositions avec des artistes de ce groupe, plus d’enquêtes sur ces consommateurs (et aussi électeurs), plus de financements à qui les soutient.
Avec la mobilité croissante et un usage toujours plus actif d’internet comme instrument de travail à distance, la libre expression et le camouflage national, les institutions et les artistes cherchent de nouvelles voies, vers le pouvoir plus que vers l’insertion. Le mirage de l’Occident –terre promise, composée d’une poignée de foires, d’expositions internationales et de riches galeries disséminées dans plus de cinq nations qui, à travers une méga synecdoque, a réussi à faire coïncider  avec l’Europe, l’Amérique du Nord , le Japon et l’Australie-commence à montrer des signes de fatigue. Les organisations du monde exclu- c'est-à-dire toutes celles qui se situent dans une lande désolée et non embrassée par l’itinéraire aérien des super vip- s’organisent pour faire ce qu’ils veulent comme ils le veulent.

Les concepts de lieu, d’artiste, d’œuvre changent et nous expérimentons d’autres représentations et participations, qui abandonnent le mot culture pour se concentrer sur un nouveau vieux mot: complexité.

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